
Le projet Histoires d'un voyage est né du désir de développer un processus de création fondé sur la convergence et l'interaction de deux sphères : sociale et artistique.
En effet, l'impulsion de départ du projet réside dans la mise en place, à Bagnolet, des ateliers de contes. C'est à travers ce travail avec les habitants de Bagnolet et avec la volonté de dépasser le simple atelier pour parvenir à un véritable travail en commun que nous avons pu voir se dessiner la ligne de la future création : Les Histoires d'un voyage.
Cette création est inspirée et nourrie par le travail des ateliers mais aussi par le travail d’investigation sociologique -sur le mode de l'enquête de terrain- que développe la Compagnie.
Par le biais des rencontres et des liens tissés sur le quartier de Bagnolet où la Compagnie est implantée, nous menons un travail de recueil de témoignages et d’histoires auprès d’habitants afin d'aller à la rencontre d'une mémoire vive.
Je te souviens, tu me souviens, on se raconte
Notre travail autour du conte avec des enfants d'origines multiples, nous a ainsi conduit à nous interroger sur la mémoire, ou plutôt sur les mémoires : Mémoires collective et individuelle, mémoires écrite et orale, mémoires d'ici et d'ailleurs. Et sur le rôle de la mémoire dans la constitution d'une identité : celle d'un individu, celle d'une ville, celle d'un pays.
Le conte est une forme hybride qui se moque des frontières et se joue du temps, précisément parce qu'il se transmet d'une génération à une autre, par une parole qui se forme, se déforme et se reforme de bouche à oreille. Le conte nous renvoie comme un miroir le problème de la mémoire, et de sa transmission, dans nos sociétés multiculturelles et acculturées. Car nous sommes tous, aujourd'hui, d'un autre pays. Le passage de la campagne à la ville, de communautés de voisinage à l'individualisme des villes, d'une tradition de l'oralité à une culture de l'écrit et de l'image, d'une société sédentaire à un monde de la vitesse et de la communication, a fait de nous tous des voyageurs de tous les jours.
C'est cette posture de voyageur, que nous sommes tous aujourd'hui forcés d'adopter, que questionne le spectacle, à travers l'exploration d'histoires singulières qui tenteront de retrouver le fil qui les tient, ensemble.
Et derrière ces histoires, des questions en suspens: Comment se construit une identité, à l'échelle individuelle et collective ? Quel rôle joue la mémoire dans la constitution de cette identité ? Comment la mémoire fait-elle histoire ? Comment le déplacement – dans le temps et dans l'espace – peut-il coïncider avec une perte de la mémoire ? Et comment retrouver cette mémoire, langue, parole - endormie, rejetée, oubliée ?
Des langues, un langage
La diversité des origines et des cultures réunies pour travailler à l'élaboration d'un langage commun constitue une des spécificités et une des richesses de notre compagnie.
Les Histoires d'un voyage rassemble une équipe aux origines multiples: colombienne, argentine, espagnole, autrichienne et française... Le métissage de la compagnie est pour nous une manière de faire dialoguer différents regards sur le sujet que l'on aborde, à travers différentes langues et différents langages scéniques, en jouant avec les frontières. Dans ce spectacle, nous faisons l'expérience de mener de front le travail d'improvisation collective et un travail d'écriture plus littéraire afin de trouver un langage commun, qui résonne des multiples langues que chacun apporte avec soi. Enfin, pour nous, l'invention d'un langage commun ne peut avoir lieu qu'à travers une recherche corporelle et musicale qui dépasse les clivages de genre et les frontières entre les disciplines artistiques. Comme chacun des spectacles de la compagnie, Les Histoires d'un voyage s'inscrit dans cette quête d'un théâtre où corps et voix parlent la même langue…
Vidéo Bande annonce du spectacle